Il est parfois très difficile de
prendre des décisions sur l’alimentation lorsqu’une personne ne peut se nourrir
seule. Le gavage ne fait pas partie des soins de base. Les prestataires de
soins, les éthiciens et les tribunaux considèrent le gavage comme de
l’alimentation artificielle et un traitement médical. Le gavage est donc comparable
à d’autres traitements médicaux comme la dialyse ou l'assistance respiratoire.
Les facteurs décisionnels relatifs
au gavage s’apparentent à ceux qui concernent d’autres traitements médicaux.
- Que souhaite le patient?
- Quels sont les objectifs du gavage?
- Quels sont les risques et les avantages potentiels du
gavage?
- Quelle est l’influence de la religion ou de la culture
sur la décision?
Que souhaite le patient?
C’est là la question la plus
importante. La question semble évidente, mais on ne la pose pas toujours. S’il
est impossible de communiquer avec le patient, ce dernier donne parfois
d’autres indices pour dire qu’il ne veut pas se faire gaver. Certaines
personnes retirent par exemple le tube de leur bouche à répétition pour
indiquer qu’elles refusent ce traitement.
Si une personne est incapable de
décider, il faut se fier sur d’autres renseignements. L’information la plus
importante est sans doute la directive anticipée, si le patient en a rédigé
une. Une directive se prépare à un stade moins avancé de la maladie et décrit
ce qu’il faut faire si le patient n’est plus à même de prendre ses décisions. Il
arrive toutefois que la directive soit trop vague pour donner une orientation
claire. Par exemple, il est difficile de déterminer si le gavage est une
« mesure de dernier recours » ou une mesure de « maintien des
fonctions vitales ». Dans une telle situation, il est utile de se demander
ce que la personne aurait voulu quand elle était capable de communiquer. Aurait-elle
accepté d’être gavée, de dépendre des autres, d’être confinée au lit la plupart
du temps, sans pouvoir communiquer? Quand les familles se posent ces questions,
elles répondent le plus souvent sans hésitation que la personne « ne
voudrait pas que l’on prolonge sa vie au-delà du cours normal de la
maladie ». Dans un tel cas, il ne faudrait pas gaver le patient. Il n’est
pas acceptable de poursuivre un traitement qui va à l’encontre de la volonté du
patient. Si la famille peut s’imaginer le patient en train de dire « je
veux que vous fassiez tout ce qui est médicalement acceptable », elle doit
envisager la possibilité du gavage. La famille peut alors considérer que ce
n’est pas elle qui prend la décision et qu’elle respecte seulement les vœux du
patient.
Quels sont les objectifs du gavage?
Tout traitement médical a des
objectifs précis. Si l’objectif n’est pas atteignable, il ne faut pas donner le
traitement. L’équipe soignante peut donner de l’information pour clarifier les résultats
possibles.
Voici quelques exemples de scénarios
qui montrent comment peut se prendre la décision de poursuivre ou d’interrompre
le gavage :
- La personne est susceptible de retrouver un peu d’autonomie.
Il est possible de gaver cette personne pour l’aider durant une phase
initiale de récupération, lorsque les résultats sont inconnus. Viendra
alors un moment où il sera possible d’évaluer si un certain niveau
d’amélioration est atteignable. Si aucune amélioration n’est possible, le patient
pourra alors réévaluer le recours au gavage.
- La personne est éveillée et elle se porte bien à
plusieurs égards.
On opte alors pour le gavage pour apaiser la faim de cette personne et lui
redonner des forces en attendant qu’elle redevienne capable de manger.
- La personne est dans le coma ou gravement malade, et
les améliorations sont improbables.
De nombreuses familles ont l’impression qu’il faut commencer le gavage
parce que c’est un soin fondamental et qu’il est inconcevable de ne pas entreprendre
ce traitement ou de l’interrompre. Il faut toutefois tenir compte de l’aspect
légal et moral du gavage, qui n’est pas considéré comme un soin
fondamental, mais comme un traitement médical ou une intervention. C’est
là que surviennent parfois des discussions au sujet des objectifs et de la
durée du traitement. De nombreuses personnes se demandent si le fait de ne
pas gaver un patient le fera « mourir de faim ». La non-alimentation,
toutefois, est liée à la faim. Une personne qui n’a pas faim ne mourra pas
de faim, elle souffrira plutôt de malnutrition. La malnutrition décrit l’aspect
physique du manque de nourriture. Les gens dans le coma ou gravement malades
ne ressentent pas la faim; ils ne meurent pas de faim, mais ils souffrent
de malnutrition.
Quels sont les risques et les
avantages potentiels du gavage?
Songez à cesser le gavage si les
risques ou le fardeau de l’alimentation sont plus grands que les avantages possibles.
Entre autres obstacles, mentionnons l’inconfort possible causé par la tubulure,
la diarrhée causée par l’alimentation comme telle, les reflux, l’aspiration et
le surcroît de liquides. Il est primordial d’évaluer la tolérance du patient au
gavage, et toujours important de se demander si le traitement entraîne plus d’inconvénients
que d’avantages.
Quelle est l’influence de la
religion ou de la culture sur la décision?
Il
est possible que la famille veuille demander conseil aux membres de leur groupe
culturel ou confessionnel en ce qui concerne les conséquences d’arrêter ou de
poursuivre le gavage. Le fait de parler aux membres de sa communauté peut vous aider
à prendre une décision.