Cet article aborde les points suivants :
- Qu’entend-on par abstention ou interruption de traitements potentiellement vitaux, aide médicale à mourir, euthanasie et sédation palliative?
- Quelle est la controverse entourant l’aide médicale à mourir (AMM)?
- La sédation palliative est-elle une forme d’euthanasie?
- Comment certains États ou pays réglementent-ils l’aide à mourir?
- Pourquoi certaines personnes souhaitent-elles hâter leur mort?
- Pourquoi certaines personnes qui demandent de l’aide au suicide finissent-elles par passer aux actes?
- Pourquoi l’aide médicale à mourir et l’euthanasie ne font-elles pas partie des soins palliatifs?
Définitions
Abstention ou interruption d'un traitement
Le patient adulte apte et bien informé des risques et avantages d’une thérapie ou d’un traitement a le droit de le refuser ou de l’interrompre, même au risque d’abréger sa vie. Cette situation survient généralement dans les cas de maladie grave où la mort est possiblement retardée par des moyens artificiels.
Le droit de ne pas entreprendre ou d’interrompre des thérapies potentiellement vitales est conforme au principe éthique d’autonomie. En d’autres termes, une personne jouissant de toutes ses facultés mentales a le droit de décider que le fardeau imposé par un traitement donné éclipse ses avantages potentiels ou qu’il n’y a pas d’espoir raisonnable d’en obtenir des bienfaits. L’abstention ou l’interruption d’un traitement ne sont pas contraires aux principes éthiques de bienfaisance (faire ce qui est le mieux pour le patient) et de non-malfaisance (ne pas causer de tort au patient) tant que le patient comprend bien ses options et les conséquences de ses choix. Les deux options sont jugées moralement et éthiquement équivalentes.
Les mots abstention et interruption peuvent porter à confusion, car peu importe la décision prise par rapport au traitement, il n’est jamais question de priver le patient et ses proches des soins et de l’accompagnement physique, psychosocial et spirituel dont ils ont besoin. C’est quelque chose qui ne change jamais, qu’on parle de soins visant à guérir la maladie ou à modifier son évolution, ou encore de soins palliatifs. Le projet de soins peut changer, mais la prestation de ces soins n’est jamais négociable, un point qu’on devrait toujours expliquer très clairement aux patients et aux mandataires. Les options d’abstention et d’interruption visent à reconnaître les limites des interventions médicales, et non celles des soins. Les médecins devraient d’ailleurs mentionner ces options lorsqu’ils discutent des avenues possibles avec leurs patients et les mandataires, en précisant que parfois, certains traitements font plus de tort que de bien.
Un exemple d’interruption de traitement serait d’arrêter le ventilateur d’un patient à un stade avancé de MPOC qui ne sera peut-être pas en mesure de maintenir une ventilation adéquate par lui-même. Au préalable, il faut discuter avec le patient, ou au besoin, avec son mandataire, pour obtenir un consentement éclairé. Un exemple d’abstention de traitement serait de ne pas utiliser d’antibiotiques pour soigner la pneumonie d’aspiration d’une patiente à un stade avancé de démence, le tout conformément à des directives anticipées écrites que confirmerait le mandataire de cette patiente.
Pour les professionnels de la santé, il est parfois difficile de voir une personne refuser un traitement qu’ils jugent utile. Par exemple, une patiente pourrait refuser un traitement de chimiothérapie ayant pourtant de bonnes chances de venir à bout de son cancer. Toutefois, en vertu du principe d’autonomie, les patients ont le droit de refuser un traitement, pourvu qu’ils comprennent bien leurs options et les conséquences de chacune, qu’ils aient toute l’information nécessaire et qu’ils soient aptes à prendre ces décisions.
Sédation palliative
Un cadre national pour la sédation palliative, aussi appelée sédation palliative continue, a été publié en 2012.1 Les indications pour cette approche sont notamment une souffrance réfractaire et intolérable dans les deux dernières semaines de vie du patient après une revue exhaustive (si nécessaire à l’aide d’experts externes) de toutes les thérapies de rechange possibles. La sédation palliative, c’est l’administration proportionnelle d’un médicament sédatif pour réduire le niveau de conscience d’un patient, mais juste assez pour soulager ses souffrances. Souvent, elle ne rend pas la personne inconsciente, ce qui peut toutefois être nécessaire à certains moments. Les médicaments recommandés sont les benzodiazépines et les antipsychotiques sédatifs.
La décision de recourir à la sédation palliative touche le patient, la famille, l’équipe de soin et les cliniciens qui maîtrisent cette thérapie. De plus, l’équipe de soins doit vérifier régulièrement l’état du patient et surveiller la réaction de la famille.
Suicide médicalement assisté et euthanasie
La Politique de l’Association médicale canadienne sur l’euthanasie et l’aide au suicide fournit l’une des définitions les plus claires de ces deux concepts :
« L’expression aide au suicide signifie fournir sciemment et intentionnellement à une personne les connaissances ou les moyens nécessaires pour se suicider; notamment, lui donner des conseils au sujet de doses mortelles de médicaments, fournir l’ordonnance nécessaire pour obtenir les doses mortelles en question ou fournir les médicaments. »
« Euthanasie veut dire poser un acte sciemment et intentionnellement dans le but explicite de mettre fin à la vie d’une autre personne. »
La principale différence entre les deux, c’est la personne qui fait l’action. Dans le cas du suicide médicalement assisté (aide au suicide), c’est le patient qui décide d’utiliser la dose mortelle de médicament fournie par le médecin et qui se l’administre lui-même. Dans le cas de l’euthanasie, c’est le médecin qui administre le médicament. Dans les deux cas, l’objectif est le même : la mort du patient. Comme le patient s’administre lui-même le médicament dans le cas du suicide médicalement assisté, son consentement est implicite, ce qui est moins évident dans le cas de l’euthanasie. Certains programmes font d’ailleurs une distinction entre euthanasie volontaire et non volontaire.
Bien qu’il existe d’importantes différences entre le suicide médicalement assisté et l’euthanasie, le présent article les aborde ensemble sous l’expression aide médicale à mourir (AMM).
La controverse entourant l’AMM
Le principal argument pour la légalisation de l’aide médicale à mourir (AMM) est le respect de l’autonomie de l’adulte apte. L’autonomie s’impose graduellement comme principe central de l’éthique médicale depuis le milieu du 20e siècle, quand les patients ont commencé à revendiquer le droit d’en savoir plus sur leur maladie et leur pronostic. Les pratiques actuelles de consentement éclairé et de prise de décision partagée sont le résultat de cette évolution. La promotion des directives anticipées pour assurer aux patients une certaine autonomie malgré une éventuelle baisse de leurs facultés a marqué une nouvelle avancée du principe d’autonomie. C’est aussi ce principe qui sous-tend le droit du patient de refuser ou d’interrompre un traitement potentiellement vital. Les défenseurs de l’AMM croient que le principe d’autonomie devrait également englober le droit d’une personne de choisir le moment et les circonstances de sa mort.
Les progrès technologiques et le fait que l’on accorde plus d’attention aux indices d’activité des maladies et aux fonctions vitales du patient qu’à ses besoins physiques, psychologiques et spirituels ont causé chez les gens une peur de souffrir et de perdre le contrôle en fin de vie. Des lacunes dans l’accès aux soins palliatifs et la compréhension de ce qu’ils peuvent offrir ont aussi contribué à une succession de morts difficiles qui alimentent ces craintes en retour.
Les défenseurs de l’AMM invoquent aussi comme argument le devoir des médecins de ne pas abandonner leurs patients. Ils estiment que lorsque la souffrance est impossible à soulager par les moyens traditionnels, ce devoir devrait inclure, en dernier recours, l’aide à mourir.
Au contraire, un argument de poids contre l’AMM est qu’elle viole le rôle de guérisseur du médecin et peut causer une perte de confiance fondamentale dans la relation thérapeutique qui l’unit au patient. De plus, l’AMM éloigne le médecin de l’objectif de comprendre et de soulager les souffrances qui portent les patients à vouloir hâter leur mort. À la place, il est appelé à déterminer si les patients répondent aux critères établis pour l’AMM. En donnant le droit aux médecins de causer intentionnellement la mort, on bouleverserait de nombreux présupposés relationnels et principes éthiques à la base des soins médicaux. Certaines personnes croient que la légalisation de l’AMM aurait pour effet de médicaliser encore plus la mort et d’augmenter le pouvoir du médecin plutôt que l’autonomie du patient.
D’autres craignent que les capacités d’une personne qui demande de l’AMM soient compromises par la crainte d’être un fardeau pour ses proches, que ce soit sur le plan des soins ou des coûts, mais surtout, par une baisse de moral, un trouble d’adaptation ou une dépression clinique. Cette dernière échappe souvent au diagnostic chez les patients atteints d’une maladie terminale, car beaucoup de ses symptômes physiques se confondent avec ceux de la maladie. Un lien a d’ailleurs été établi entre la dépression et les demandes visant à hâter la mort.2
Le delirium peut aussi affecter les capacités d’une personne. Une revue systématique de sa prévalence parmi les patients en soins palliatifs fait état de taux allant de 13,3 % à 42,3 % à l’admission, de 26 % à 62 % durant l’hospitalisation et de 58,8 % à 88 % dans les semaines ou les heures précédant la mort.3 Le delirium hypoactif était le sous-type le plus prévalent (de 68 % à 86 % des cas). Plus difficile à détecter que le delirium hyperactif, il échappe souvent au diagnostic.
D’autres critiques des programmes d’AMM touchent les lacunes dans l’évaluation des capacités des patients et l’influence d’autres facteurs dans la prise de décision de ces patients. Seuls 2 des 77 patients décédés dans le cadre du programme d’AMM de l’Oregon en 2012 avaient subi une évaluation psychiatrique ou psychologique en bonne et due forme avant de recevoir leur ordonnance de médicaments létaux.4 On s’inquiète aussi du fait que le médecin qui rédige l’ordonnance ne connaît pas nécessairement le patient depuis très longtemps. Au cours de la première année du programme d’AMM en Oregon, on a comparé la durée médiane de la relation patient/médecin pour les personnes qui ont mené leur suicide à terme et pour un groupe témoin de patients de l’Oregon décédés de maladies similaires. La différence est importante : 69 jours pour le groupe d’AMM, contre 720 jours pour le groupe témoin (p = 0,03).4
Un autre argument de poids est un éventuel relâchement au fil du temps des limites et critères imposés à l’AMM, ce qui pourrait donner lieu à des abus. Cette « pente glissante » inquiète particulièrement les personnes handicapées, dont certaines ne sont pas en mesure de s’exprimer par elles-mêmes ou dont la vie pourrait être perçue, tragiquement, comme moins importante. Les patients qui évoluent dans un système de santé éprouvé par le coût des soins complexes prodigués aux personnes handicapées ou en phase terminale sont également vulnérables à l’exploitation. Les politiques belges qui appuient l’AMM pour les enfants, les personnes atteintes de maladies mentales et les personnes âgées « fatiguées de vivre » laissent entendre que ces inquiétudes sont légitimes.
Les défenseurs de l’AMM ont aussi alimenté la controverse en essayant de gommer la distinction entre ce qui relève de la nature et ce qui résulte de l’action humaine. Pour eux, comme l’issue – la mort – est identique dans les deux cas, l’euthanasie et l’AMM équivalent moralement à l’abstention et à l’interruption d’un traitement.
Or, cet argument ne tient pas compte du fait que dans le cas de l’abstention ou de l’interruption, c’est la maladie (donc la « nature ») qui cause la mort, alors que dans le cas de l’euthanasie et de l’AMM, c’est la substance administrée ou prescrite par le médecin. Sans une maladie terminale en fin de parcours, l’abstention ou l’interruption ne causeraient pas la mort par elles-mêmes. Leur intention est plutôt de laisser la nature suivre son cours, tandis que celle de l’AMM est d’abréger la vie.
La sédation palliative : une forme d’euthanasie?
La sédation palliative est une autre question controversée. Devant le refus de légaliser et d’encadrer la pratique de l’AMM, ses défenseurs avancent que la sédation palliative est une forme subtile et courante d’euthanasie. Or, comme on l’a vu plus tôt, il s’agit en fait d’une intervention de dernier recours, surtout indiquée lorsque les soins palliatifs ne peuvent plus contrôler ou soulager les souffrances d’un patient. Elle a pour but d’aider le patient à supporter sa souffrance physique, émotionnelle ou existentielle, et non d’abréger sa vie.
Une récente revue systématique de la recherche visant à déterminer si la sédation palliative abrégeait la vie des patients a recensé 11 études rétrospectives et prospectives touchant 1 807 patients, dont 621 ayant reçu une sédation palliative.5 Les auteurs n’ont noté aucune différence significative entre les patients ayant reçu la sédation et les autres quant à la vitesse à laquelle le décès est survenu. Une récente étude prospective a conclu que la sédation palliative était une intervention clinique définissable qui n’avait aucun effet sur la survie.6 Les deux études indiquent que le delirium est la raison la plus fréquente à l’origine de la sédation palliative.
La sédation palliative se distingue de l’euthanasie sur les points suivants :
- On n’y a recours que dans les deux dernières semaines de vie.
- Elle est précédée d’une recherche exhaustive d’autres thérapies qui pourraient soulager les souffrances du patient.
- Elle a pour but de réduire la conscience pour soulager les souffrances.
- La recherche n’a pas démontré qu’elle abrégeait la vie.
- La cause du décès n’est pas le sédatif, mais bien l’évolution de la maladie.
Où l’AMM est-elle légale et comment est-elle réglementée?
En Amérique du Nord, plusieurs États américains permettent l’aide médicale à mourir, mais pas l’euthanasie. En Oregon, État qui possède le plus ancien programme d’AMM aux États-Unis, le patient doit être un adulte apte âgé d’au moins 18 ans, résident de cet État et atteint d’une maladie susceptible de l’emporter dans les six mois. La personne doit faire au moins deux demandes verbales d’AMM à son médecin, en laissant s’écouler au moins 15 jours entre les deux, et une demande écrite.
Le médecin qui rédige l’ordonnance (prescripteur) doit consulter un autre médecin. Les deux sont tenus de confirmer le diagnostic et le pronostic, et la capacité du patient de donner son consentement éclairé. Si l’un ou l’autre croit que la dépression, le delirium ou d’autres facteurs peuvent affecter le jugement du patient, ce dernier doit subir une évaluation psychiatrique ou psychologique, mesure qui demeure rare. Le médecin prescripteur est aussi tenu de présenter au patient l’ensemble des options qui s’offrent à lui, y compris les soins palliatifs. Toutefois, les médecins ne disposent d’aucun mécanisme pour régler une éventuelle divergence d’opinions entre eux.
L’État de l’Oregon recueille des données qu’il rend accessibles sur son site de santé publique. Chaque année, le programme d’AMM fait l’objet d’un rapport. Le taux de décès dus à l’AMM est de 1 à 2 sur 1 000 environ. Sur les 77 personnes décédées en 2012, la plupart (67,5 %) avaient au moins 65 ans, pour un âge médian de 69 ans. Comme les autres années, la majorité des patients étaient blancs (97,4 %), éduqués (42,9 % avaient au moins un baccalauréat) et atteints du cancer (75,3 %).
En Europe, l’AMM est légale aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et en Suisse. Chaque pays a des exigences similaires : un patient apte qui comprend son état médical et à qui on a présenté toutes les autres options raisonnables. Le patient doit aussi consulter un médecin indépendant. Toutefois, différence majeure par rapport aux programmes nord-américains, il n’a pas besoin d’être atteint d’une maladie terminale au pronostic précis; il n’a qu’à faire la preuve d’une souffrance intolérable.7
Un groupe de recherche néerlandais a comparé le nombre de morts assistées (AMM) déclarées auprès d’un comité d’examen local à un échantillon aléatoire de certificats de décès indiquant une cause naturelle, mais où il y avait peut-être eu AMM. Les auteurs de l’étude, publiée dans The Lancet8, notent qu’en 2010, sur 10 cas d’aide à mourir, les médecins n’en auraient déclaré que 8 environ. La même étude établit le nombre absolu de décès par euthanasie ou suicide médicalement assisté à 4 050, pour un taux de 30 cas d’AMM par 1 000 décès. Le programme néerlandais soulève un certain nombre de préoccupations : l’euthanasie est pratiquée sans que le patient l’ait expressément demandée (adultes et nouveau-nés); la reddition de comptes n’est pas obligatoire pour les médecins; les médicaments utilisés pour l’euthanasie ne sont pas réglementés.
Pourquoi certaines personnes veulent-elles hâter leur mort?
Il est important de comprendre que les émotions qui amènent quelqu’un à demander à mourir plus vite sont très complexes. Il est aussi important de reconnaître que l’acceptation de l’approche de la mort se fait graduellement. Souvent, le patient exprime ses émotions par rapport à la mort, y compris le désir de la hâter ou de se suicider, alors même qu’il compose avec un sentiment de perte et une peine envahissante. Une étude qualitative a établi six stades ou « états d’esprit » d’une personne face à la mort :9
- pas prête à mourir et n’accepte pas la mort;
- pas prête à mourir, mais accepte la mort;
- prête à mourir et accepte la mort;
- prête à mourir, accepte la mort et souhaite qu’elle survienne;
- prête à mourir, accepte la mort, envisage de la hâter, mais n’a pas de plan précis;
- prête à mourir, accepte la mort et a un plan précis pour la hâter.
Les personnes qui envisagent de hâter leur mort (états d’esprit 5 et 6) s’informeraient sans doute de la possibilité d’obtenir de l’aide à mourir si l’option existait. Une personne habitée par le quatrième état d’esprit pourrait aussi aborder la mort dans le cadre de son processus d’acceptation, mais sans nécessairement vouloir la hâter. En tant que professionnels de la santé, il est impératif de clarifier ce que le patient demande et les raisons à la source de cette demande. Les cliniciens doivent aussi comprendre que leur ouverture à ces conversations, dans les limites de la légalité, est essentielle à l’établissement d’un dialogue thérapeutique visant à soulager la souffrance.
Un certain nombre d’études portant sur le désir de hâter la mort ont fait l’objet d’une revue systématique avant d’être résumées.10 En général, ce ne sont pas les symptômes physiques mal contrôlés comme la douleur ou la dyspnée qui sont à l’origine de cette demande, bien que la peur de les subir plus tard puisse l’être. Une corrélation positive a été constatée entre la dépression, le désespoir et le désir de hâter la mort. La dépression clinique est donc une possibilité qui devrait être envisagée pour chaque demande.
Une revue systématique et méta-ethnographie de 2012 sur les motivations sous-jacentes des patients qui demandent à hâter leur mort offre sans doute une des meilleures façons de résumer les faits. L’étude a dégagé six thèmes qui semblent sous-tendre ces demandes :11
- réaction à la douleur globale (souffrance physique, psychologique et spirituelle);
- perte d’intégrité physique ou psychologique – la personne ne contrôle plus son corps ou sa vie, ce qui mène à l’impression de perdre sa dignité et que la vie n’a plus de sens
- peur du processus de la mort et de la mort imminente;
- sentiment que la mort met fin à la souffrance et à la perte d’intégrité;
- expression d’une volonté de vivre, mais pas de cette façon;
- façon de garder le contrôle de sa propre existence.
Peu importe notre point de vue personnel sur ces questions, il est important d’être à l’aise de discuter des sentiments derrière le désir de mourir afin de mieux comprendre et aider les personnes qui font face à la souffrance en fin de vie.
Qu’est-ce qui pousse certaines personnes à passer aux actes?
Selon les données que nous avons recueillies sur les endroits où l’AMM est légale, les personnes qui demandent à hâter leur mort ou qui obtiennent une ordonnance pour le faire ne passent pas toujours aux actes. Entre 1997 et 2012 en Oregon, 64 % des 1 050 personnes qui ont reçu une telle ordonnance l’ont utilisée pour mettre fin à leurs jours.4 Environ 1 personne sur 6 discute de la question avec sa famille, et 1 sur 50, avec son médecin. Le suicide médicalement assisté représente environ 1 décès sur 1 000 en Oregon.
Les principales raisons évoquées pour les 77 personnes qui ont utilisé leur ordonnance létale en 2012 sont la perte d’autonomie (93,5 %), le déclin de leur capacité de participer aux activités qui rendaient leur vie agréable (92,2 %) et une perte de dignité (77,9 %). Ces trois raisons se maintiennent depuis le début du programme d’AMM de l’Oregon. Seulement deux patients ayant passé aux actes avaient été envoyés subir une évaluation psychiatrique ou psychologique en bonne et due forme avant de recevoir leur ordonnance de médicaments létaux. Les opposants à l’AMM y verraient une source d’inquiétude, invoquant la fréquence de la dépression chez les personnes qui demandent à hâter leur mort.12, 2, 7
Pourquoi l’AMM et l’euthanasie ne font-elles pas partie des soins palliatifs?
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (1990), les soins palliatifs « soutiennent la vie et considèrent la mort comme un processus normal » qu’ils « ne visent ni à hâter ni à différer ». Les définitions actuelles respectent aussi le processus naturel de la mort. Les soins palliatifs visent à aider les gens à profiter le plus possible de la vie, jusqu’à ce qu’ils meurent naturellement. Aucun principe ni aucune définition, valeur ou norme de pratique encadrant les soins palliatifs ne suppose l’accès à des médicaments létaux par lesquels le patient peut choisir le moment et les circonstances de sa mort.
Selon la définition de l’OMS (1990), les soins palliatifs peuvent « améliorer la qualité de vie et […] influer positivement sur le cours de la maladie ». Des recherches récentes ont confirmé que l’introduction rapide des soins palliatifs dans la trajectoire du cancer du poumon métastatique pouvait contrôler les symptômes, atténuer la dépression, améliorer la qualité de vie des patients et aider ces derniers à vivre plus longtemps.13 Il semble aussi qu’aux États-Unis, les patients atteints d’insuffisance cardiaque vivent plus longtemps lorsqu’ils profitent des programmes de soins palliatifs.14
Selon les études sur la façon dont les fournisseurs de soins voient l’aide médicale à mourir et la possibilité d’y participer, ceux qui œuvrent dans le milieu des soins palliatifs sont les moins susceptibles d’avoir un point de vue favorable sur cette pratique. Comme l’AMM trouve ses plus grands appuis chez les personnes ayant le moins d’expérience auprès des patients mourants et éprouvant le plus d’anxiété à composer avec eux, ce n’est guère surprenant.15 Le désir de mettre fin à ses jours est souvent motivé par le sentiment qu’il n’y a plus d’espoir, sentiment qui émane du patient ou du clinicien lui-même. La recherche a amplement démontré que les soins palliatifs pouvaient atténuer le désir de mourir. Les personnes qui auraient demandé de l’aide au suicide pendant leur maladie terminale finissent par changer d’avis.
Les cliniciens spécialisés en soins palliatifs entendent de nombreux patients demander une mort hâtive, et apprennent à travailler efficacement avec ces gens et leur famille pour bien comprendre les préoccupations derrière ces demandes et y répondre. L’essence des soins palliatifs est de reconnaître cette souffrance et de travailler avec les patients et leurs proches pour la soulager. Une grande partie du travail consiste à aider les gens à s’adapter à l’évolution de la maladie et à composer avec elle. Donner du soutien au patient qui travaille à rétablir des relations ou à se réconcilier avec des membres de sa famille, donner un sens au processus et, surtout, veiller au bien-être de la personne jusqu’au bout font aussi partie de la tâche. Pour la plupart des cliniciens spécialisés en soins palliatifs, leur engagement à soulager la souffrance jusqu’à la toute fin et à ne jamais abandonner le patient et sa famille est incompatible avec le rôle d’éliminer un être humain qui souffre ou de l’abandonner à la seule option de l’aide médicale à mourir.
Novembre 2014
Notes
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