Auteurs : McClement,1,2 SE, Harlos M 1,3
Affiliations : 1. Université du Manitoba; 2. Unité de recherche en soins palliatifs du Manitoba; 3 Hôpital général de Saint-Boniface
Source : International Journal of Palliative Nursing 2008; 14 (4) :185-191.
Ce que nous avons fait : Nous avons mené une étude théorique reposant sur les faits pour examiner l’expérience en matière de soins alimentaires du point de vue des patients (n=13), des familles (n=23) et des fournisseurs de soins de santé (n=11).
Pourquoi avons-nous fait cette étude? La perte d’appétit et la perte de poids marquée constituent des symptômes courants chez les patients atteints d’un cancer de stade avancé. Ces symptômes sont particulièrement inquiétants pour les membres de la famille. Bien que des études aient été menées sur la gestion de la pathophysiologie et de la pharmacothérapie du syndrome d’anorexie-cachexie associé au cancer, on ne connaît pas le point de vue des membres de la famille relativement à ce problème clinique contrariant. Par conséquent, nous avons mené une étude pour aider à examiner et à décrire les raisons que les membres de la famille attribuent à une diminution de l’apport alimentaire et à une perte de poids, les comportements que ces symptômes suscitent et leurs répercussions sur les patients, les familles et les fournisseurs de soins de santé. L’étude que nous avons déjà menée sur ce sujet1-3 a décrit les comportements des membres de la famille qui tentent de forcer un parent mourant à manger ainsi que les répercussions d’une telle approche. La présente étude décrit plutôt la démarche suivie par les membres de la famille qui ont décidé de laisser la nature suivre son cours en ce qui concerne les soins alimentaires du patient.
De quelle manière s’y est-on pris? Nous avons interviewé des patients hospitalisés atteints du syndrome d’anorexie-cachexie associé au cancer et d’une maladie rendue à un stade avancé, les membres de leur famille et les fournisseurs de soins de santé pour mieux comprendre l’expérience de chacun des groupes lorsqu’ils ont dû faire face au problème d’anorexie et de perte de poids dans le cas d’une maladie rendue à un stade avancé. Nous avons également observé les interactions des patients en soins palliatifs avec le personnel et les membres de la famille au moment des repas ainsi que la nature des discussions lors des consultations avec les patients concernant la question des soins alimentaires. Les entrevues ont été enregistrées textuellement et analysées conformément aux procédures sur la théorie reposant sur les faits pour discerner les principaux thèmes et les principales catégories mises en évidence par les données.
Résultats : Les membres de la famille qui laissaient la nature suivre son cours en ce qui concerne les soins alimentaires croyaient qu’une diminution de la consommation d’aliments et de liquide était normale lorsqu’un patient est en phase terminale d’une maladie et que les interventions visant à augmenter l’apport alimentaire et l’hydratation ne modifiaient en aucune façon le cours de la maladie du patient. Plutôt que de consacrer leurs efforts à mettre sur pied des stratégies pour augmenter l’apport alimentaire, les membres de la famille ont préféré trouver d’autres moyens de prendre soin du patient mourant, c’est-à-dire en participant aux soins physiques de ce dernier, en étant présents et en protégeant les patients des membres de la famille qui tentent de les forcer à manger. Les patients étaient d’ailleurs reconnaissants qu’on ne les force pas à manger, et les membres de la famille se disaient satisfaits d’avoir respecté l’autonomie du patient dans sa capacité à prendre des décisions liées à sa santé et d’avoir évité que le patient souffre de symptômes tels que les nausées et les vomissements qui peuvent survenir lorsque le corps ne supporte plus la nourriture.
Pourquoi cette étude était-elle importante? Les membres de la famille font appel aux fournisseurs de soins de santé pour obtenir des renseignements et de l’appui lorsqu’un membre de leur famille est malade. Les résultats de cette étude renseignent l’équipe soignante sur des stratégies non axées sur la nourriture qu’il est bon d’adopter lorsqu’un patient refuse de manger. L’équipe soignante peut ensuite communiquer ces stratégies aux familles afin de diminuer le sentiment d’impuissance de ces dernières et de faire respecter l’autonomie du patient. Ces stratégies sont d’ailleurs bien accueillies par les patients.
Quelles sont les prochaines étapes? Cet article porte sur une facette de l’expérience des membres de la famille relativement aux soins alimentaires des patients atteints d’un cancer de stade avancé. Lors de notre enquête sur la façon dont les membres de la famille réagissent relativement au syndrome d’anorexie-cachexie associé au cancer, il est devenu évident que de nombreux membres de la famille avaient des lacunes importantes sur les causes de l’anorexie-émaciation dans le cas d’un cancer et sur la raison pour laquelle des interventions telles que le gavage et la nutrition parentérale totale sont généralement inappropriées dans le cas de patients atteints d’une maladie de stade avancé.4 Les prochaines recherches dans ce domaine porteront sur le développement d’une intervention éducative abordant les causes et la gestion du syndrome d’anorexie-cachexie associé au cancer qui peuvent être mises à l’essai auprès de familles dans le contexte d’un essai comparatif aléatoire.
Renseignements sur l’auteure : Dre Susan McClement, professeure agrégée, faculté des sciences infirmières, Université du Manitoba; associée de recherche, Unité de recherche en soins palliatifs du Manitoba; Action cancer Manitoba, 3017-675, avenue McDermot, Winnipeg, Manitoba R3E 0V9, susan.mcclement@cancercare.mb.ca.
Références
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