Les dernières années ont été marquées par une activité et un intérêt
croissants dans le système de soins de santé pour la sécurité du patient. Maintenant
que les soins palliatifs font partie intégrante de nos systèmes de santé, il
est pertinent de se demander si la sécurité du patient constitue aussi un enjeu
en soins palliatifs. La réponse est un oui sans équivoque.
La sécurité des patients au
Canada
Tout soin de santé peut avoir des effets nocifs, et des milliers d’erreurs
sont commises chaque jour dans les réseaux de la santé du Canada. On estime que
plus de 4 000 personnes meurent chaque année au Canada à la suite d’événements
indésirables ayant des effets nuisibles. Nous ne pouvons tenir pour acquis que
nos patients en soins palliatifs sont à l’abri de ces risques, en particulier
parce que nous devons composer avec les particularités des milieux de vie. En
effet, la plupart des études sur la sécurité des patients ont été réalisées en
milieu hospitalier. Selon une étude canadienne (Baker, 2004) (1), le taux
d’erreur s’établissait à 7,5 par 100 admissions à l’hôpital, 36 % de ces
erreurs étant évitables et 21 %, mortelles. Très peu d’études abordent la
sécurité des patients dans les programmes et réseaux de soins palliatifs. Dietz
et coll. (2010) observent que la plupart des recherches sur la sécurité en soins
palliatifs sont des études de cas et que peu d’études de grande envergure ont
été réalisées.
Le mouvement pour la sécurité
des patients
Au cours de la dernière décennie, des documents importants ont stimulé
le mouvement pour la sécurité des patients. En 1999, l’Institute of Medicine a
publié un rapport intitulé To Err Is
Human: Building a Safer Health System (2). Traitant d’erreurs médicales
survenues aux États-Unis, ce rapport a retenu l’attention générale de
prestataires de soins, du grand public et de gouvernements de toute l’Amérique
du Nord. Deux ans plus tard, un autre rapport de l’Institute of Medicine,
intitulé Crossing the Quality Chasm
(3), brossait un tableau plus large des problèmes liés à la qualité des soins
et à leurs solutions potentielles dans les systèmes de soins de santé des
États-Unis. L’un des principaux constats de ce rapport est justement que les
patients ont droit à des soins sécuritaires et qu’ils sont en droit de s’y
attendre.
En 2002, le Comité directeur national sur la sécurité des patients au
Canada publiait son rapport phare, Accroître la sécurité du système : Une
stratégie intégrée pour améliorer la sécurité des patients dans le système de
santé canadien (4). Cette publication a engendré la création de l’Institut
canadien pour la sécurité des patients. En 2003, le Collège royal des médecins
et chirurgiens du Canada publiait le Canadian Patient Safety Dictionary (5),
qui est devenu une ressource internationale dans le domaine.
Le Canadian Patient Safety
Dictionary définit ainsi sécurité du patient : « réduction et
atténuation des conséquences des actes dangereux posés dans le système de
santé, notamment par l’utilisation de pratiques exemplaires produisant des
résultats optimaux pour le patient » [traduction libre]. Il définit
également ainsi événement indésirable : « blessure (inconfort ou déficience
temporaire ou permanente, physique ou psychologique) résultant de la gestion
médicale plutôt que de la maladie du patient ». [traduction libre].
La sécurité en soins
palliatifs. Il est en outre essentiel de rehausser le degré de sécurité pour
améliorer la qualité globale des soins palliatifs.
En effet, le potentiel d’erreur est bien réel aux soins palliatifs. Nous
traitons des patients atteints de maladies graves qui souffrent souvent de
douleurs et de symptômes complexes, et qui ont des besoins psychosociaux,
spirituels et sociaux. Une mauvaise planification préalable des soins est aussi
un obstacle à la sécurité. Sans planification, les objectifs de la prise en
charge ne sont pas toujours bien définis, ce qui expose les patients et leurs
familles à un degré de souffrance accru. Nous travaillons au sein d’une équipe
complexe où le manque d’imputabilité les uns envers les autres et une
communication déficiente peuvent aussi entraîner des erreurs graves.
La sécurité du patient à
domicile
Plusieurs auteurs déplorent le manque d’information sur la sécurité des
patients qui reçoivent des soins palliatifs à domicile. Nous savons que les
principales caractéristiques de la prestation des soins en établissement
diffèrent souvent de la prestation de soins à domicile. Dans bien des cas, ces
derniers sont prodigués par des professionnels de la santé et des prestataires
non reconnus émanant de divers organismes et secteurs. Toutes ces personnes
doivent coordonner leurs interventions et bien communiquer dans un milieu dont
les particularités diffèrent de celles du milieu hospitalier. De plus, il est impossible
de parler de soins des patients à domicile ou de leur sécurité sans tenir
compte de la famille, des amis et des aidants bénévoles, en plus des
prestataires de soins. Contrairement aux soins en milieu hospitalier, prodigués
par du personnel rémunéré encadré par des politiques internes et des
superviseurs, la plupart des soins à domiciles sont donnés par la famille ou
les aidants naturels, sous la supervision très indirecte d’un professionnel de
la santé. Toutes ces personnes, y compris le patient, la famille ou les aidants
bénévoles, ne s’entendront pas nécessairement sur les façons de faire, ce qui
pose des contraintes de sécurité supplémentaires à la maison. Enfin, puisque
les maisons sont conçues pour la vie courante et non pour offrir des soins, il
est en effet beaucoup plus facile de modifier l’environnement physique à
l’hôpital pour protéger le personnel et le patient qu’il ne l’est à domicile.
Divulgation et responsabilité
S’il a longtemps été courant de chercher un coupable quand une erreur
était commise, on reconnaît généralement aujourd’hui que l’erreur humaine est
souvent symptomatique de problèmes plus larges dans un système. La performance
humaine et, par ricochet, les erreurs sont influencées par de nombreux facteurs
propres à un système. Il faut donc évaluer les gestes d’une personne dans le
contexte et au moment où ils se sont produits.
Dernièrement, les organismes de réglementation portent un intérêt
particulier à la divulgation des erreurs. Pour implanter une culture de
sécurité du patient, il faut miser sur une communication ouverte et honnête
entre les prestataires de soins et leurs patients et leurs familles. L’Institut
canadien pour la sécurité des patients a publié un rapport intitulé Lignes
directrices nationales relatives à la divulgation des événements indésirables
(6). Les prestataires de soins palliatifs doivent mettre à profit leurs
compétences en communication pour divulguer les erreurs commises, malgré leurs
inquiétudes et leurs craintes.
Résumé
Il est important d’exploiter la vaste gamme de méthodes proposées dans
les études pour redéfinir les notions de sécurité en soins palliatifs. Outre la
définition des difficultés, il faut aussi s’attarder aux changements
systémiques qui pourraient entraîner la réduction d’autres problèmes de
sécurité. Voici quelques axes de communication ciblés sur le renforcement de la
sécurité en soins palliatifs:
- La sécurité est l’affaire
de tous. Elle fait partie intégrante de soins de fin de vie de qualité.
- La sécurité ne s’arrête
pas aux erreurs, à la mortalité et aux maladies graves; elle concerne
aussi l’augmentation de la souffrance.
- Les milieux où sont
donnés les soins palliatifs, comme les autres milieux médicaux, ne sont
pas nécessairement sécuritaires.
- Blâmer une personne pour
une erreur commise ne résout aucun problème parce que les problèmes de
sécurité sont des problèmes systémiques.
1. Canadian
Adverse Events Study (Étude canadienne sur les événements indésirables)
[http://www.cihr-irsc.gc.ca/f/34520.html]
2. To Err Is Human: Building A Safer Health System
[http://iom.edu/Reports/1999/To-Err-Is-Human-Building-A-Safer-Health-System.aspx]
[anglais seulement]
3. Crossing the Quality Chasm
[http://iom.edu/Reports/2001/Crossing-the-Quality-Chasm-A-New-Health-System-for-the-21st-Century.aspx]
[anglais seulement]
4. Accroître la
sécurité du système : Une stratégie intégrée pour améliorer la sécurité des
patients dans le système de santé canadien
[http://crmcc.medical.org/publications/building_a_safer_system_f.pdf]
5. Canadian
Patient Safety Dictionary
[http://rcpsc.medical.org/publications/PatientSafetyDictionary_e.pdf]
Une adaptation
française est publiée en 2004 sous le titre Glossaire canadien sur la
prestation sécuritaire des soins et services au patient.
6. Lignes directrices
nationales relatives à la divulgation des événements indésirables
[http://www.patientsafetyinstitute.ca/french/toolsresources/disclosure/pages/default.aspx]