Discuter des problèmes de fin de vie avec des patients souffrant d’insuffisance cardiaque avancée

Dans les cercles nationaux et internationaux, les soins palliatifs sont désormais largement acceptés comme méthode et intervention appropriées et humaine particulièrement bénéfiques pour les personnes qui souffrent d’insuffisance cardiaque (IC) avancée. On reconnaît de plus en plus l’importance d’offrir de tels soins au Canada; selon des études réalisées en contexte canadien, ces soins devraient être l’une des principales options offertes aux patients et à leurs proches aidants, souvent à bout de souffle. Toutefois, l’accès aux soins palliatifs pour ces patients demeure limité, bien souvent en raison de l’hésitation à discuter de ces soins avec les patients, leur famille et les collègues.

Même si la science a réalisé de grands progrès dans la lutte aux maladies du cœur, l’IC demeure une maladie progressive limitant l’espérance de vie dont la trajectoire est en dents de scie et le taux de mortalité, élevé. Il n’est pas rare que des patients atteints d’IC subissent un stress aigu et se retrouvent « à l’article de la mort », et qu’ils se fassent ensuite réanimer et renvoyer à la maison malgré un degré de fonctionnalité réduit. L’importance accordée à la fonction cardiaque en raison de l’utilisation de diverses combinaisons de thérapies pharmaceutiques et d’appareils, ainsi que l’espoir d’un « projectile magique » nuisent aux discussions relatives aux problèmes de fin de vie que vivent les patients atteints d’IC et leurs familles (1,2). Nous savons maintenant que cette approche, en particulier chez les patients gravement malades et susceptibles de retourner à l’hôpital, augmente leur souffrance et celle de leurs familles (3).

Que veulent les patients atteints d’insuffisance cardiaque avancée?
Les patients atteints d’IC avancée préfèrent discuter de la trajectoire possible de la maladie et de leur pronostic lorsqu’ils ont encore tout leur esprit; pourtant, ces discussions sont souvent reportées à un moment où les patients sont malades et hospitalisés (4). Les patients ont des besoins d’information variés; bien des gens veulent plus d’information sur l’IC et sur la progression potentielle de la maladie de manière à pouvoir se préparer à un avenir incertain (1). Étonnamment, l’incertitude du pronostic associée à l’IC ne se traduit pas par la nécessité d’une planification préalable des soins chez les patients ou leur équipe soignante. Ainsi, lorsque les patients atteints d’IC sont gravement malades et hospitalisés, ils se retrouvent souvent sans plan de soins, mais ils veulent tout de même qu’on leur parle honnêtement de leur maladie et de ses répercussions afin de pouvoir planifier. Leur besoin est dû en partie à la charge croissante imposée à leurs proches aidants plus la maladie progresse, les patients étant inquiets du fardeau imposé à leur famille et se demandant s’ils auront droit à des soins – et comment ces soins seront organisés – lorsqu’ils ne pourront plus rester à la maison (3).

Entraves à la communication
Une étude réalisée auprès de patients en soins palliatifs pour IC avancée vivant dans la communauté et leur équipe soignante a fait ressortir d’importantes entraves à la communication à divers niveaux à propos des problèmes de fin de vie (5). Il arrive que divers facteurs nuisent aux discussions avec les patients sur la possibilité d’introduire et d’offrir des soins palliatifs, entre autres : a) le critère strict du pronostic auquel doivent répondre les patients pour avoir droit à ces services; b) la perception des patients des soins palliatifs comme une condamnation à mort; c) l’inconfort des membres de l’équipe soignante d’amorcer une conversation à ce sujet et d’employer des termes associés à la possibilité d’un déclin et de la mort; d) le manque de communication entre les prestataires de soins et les services locaux qui prodiguent les soins; e) les perceptions sociétales et disciplinaires relatives à l’incompatibilité entre l’IC et les soins palliatifs (1,2,5). L’intégration des soins palliatifs pour les patients atteints d’IC commence à faire l’objet de discussions dans le milieu des spécialistes de l’IC et des soins palliatifs. Toutefois, l’utilisation d’un pronostic de trois à six mois comme critère d’admissibilité à la majorité des maisons spécialisées ou des unités de soins palliatifs renforce l’image des soins palliatifs comme indice d’un déclin et d’une mort imminents. Ce facteur nuit à la présentation du concept aux patients atteints d’IC. Si la communication est déficiente entre les patients, les familles et les prestataires de soins en ce qui concerne les problèmes de fin de vie, elle l’est également entre les praticiens qui travaillent en silo, dans le domaine de l’IC ou des soins palliatifs. Pour l’instant, les soins aux personnes atteintes d’une maladie du cœur se limitent presque exclusivement à préserver la vie et à empêcher la mort, ce qui est souvent considéré comme incompatible dans une orientation de soins palliatifs. Le manque de communication qui nuit à la continuité des soins s’amplifie lorsque les patients passent de la communauté à l’hôpital (et vice versa) pour se faire soigner et lorsque le plus haut praticien responsable qui dirige les soins médicaux ou infirmiers change. Bien souvent, un changement de l’environnement de soins entraîne aussi un changement de la personne qui supervise le plan de soins et, par la suite, du plan comme tel. Les pratiques de documentation et les formulaires changent aussi fréquemment selon l’agence ou l’établissement qui donne les soins. Ces problèmes systémiques nuisent également à la transmission d’information cruciale pour les patients et leurs soignants qui aimeraient s’entendre sur l’orientation et les objectifs de prise en charge préconisés. Il faut adopter une nouvelle façon de penser et de nouveaux modèles de soins résilients pour aider les patients à surmonter les obstacles multiples et complexes qui s’élèvent durant la progression de leur maladie. C’est là le sujet précis d’une étude novatrice menée en ce moment dans plusieurs centres du Canada. Lingard et ses collègues étudient comment l’intégration des soins palliatifs pour les patients atteints d’IC se négocie entre les équipes soignantes. Ils souhaitent ainsi élaborer une approche pour les patients atteints d’IC et leurs proches aidants qui serait efficace dans tous les contextes de soins et toutes les situations médicales (6). 

Défibrillateurs implantables
Le nombre croissant de patients atteints d’IC admissibles à l’implantation d’un défibrillateur – qui prévient la mort soudaine par arrêt cardiaque – est un nouveau problème préoccupant par rapport aux objectifs de prise en charge. Cet appareil prévient en effet les décès causés par arythmie ventriculaire; un décès causé par autre chose que l’arythmie ne provoquerait donc pas une défibrillation. Or, ces défibrillateurs sont parfois implantés lorsque le patient se porte encore assez bien; nos recherches montrent que dans les discussions précédant l’implantation d’un défibrillateur à titre préventif, on amenait rarement les patients à envisager la mort par une autre cause (autre qu’une mort subite) qui pourrait survenir plus tard (7). La documentation remise aux patients avant l’implantation de l’appareil portait essentiellement sur la survie et comment vivre avec l’appareil. Nulle part dans ces documents on ne faisait mention du défibrillateur implantable et de la planification préalable des soins (8). Peu de porteurs d’un défibrillateur avaient compris que la désactivation de l’appareil serait une possibilité à un stade ultérieur, même si les défibrillations ont empêché des patients en soins palliatifs de mourir paisiblement. Les équipes de soins palliatifs dans la communauté sont préoccupées par la logistique entourant la désactivation d’un défibrillateur implantable : qui procède à la désactivation? Quand? Dans quelles circonstances? (5) De toute évidence, il faut discuter avec les personnes qui reçoivent des soins palliatifs de la désactivation potentielle du défibrillateur et de ce qu’implique de mourir en portant un tel appareil. Les membres de l’équipe de soins palliatifs ont aussi mentionné qu’ils avaient besoin eux aussi de comprendre le fonctionnement du défibrillateur et ses répercussions sur les soins du patient.

Il est essentiel de poursuivre les travaux en cours pour comprendre de quelle façon les soignants pourraient mieux aider les patients souffrant d’insuffisance cardiaque avancée et parfois porteurs d’un défibrillateur implantable à discuter des problèmes de fin de vie, notamment des soins palliatifs et de la planification préalable des soins, de façon opportune, honnête et avec compassion. Des stratégies de communication adaptées au contexte des soins et aux besoins complexes visant à faciliter les discussions entre les cliniciens, les chercheurs, les patients et leurs proches aidants ont aussi été proposées (9).
 



1. Barclay, S., Momen, N., Case-Upton, S., Kuhn, I., Smith, E. End-of-life care conversations with heart failure patients: a systematic literature review and narrative synthesis. British Journal of General Practice 2011; DOI: 10.3399/bjgp11X549018. [E-pub ahead of print].

2. Green, E., Gardiner, C., Gott, M., Ingleton, C. (2011). Exploring the extent of communication surrounding transitions to palliative care in heart failure: The perspectives of health care professionals. Journal of Palliative Care, 27 (2), 107-116.

3. Strachan, P.H., Ross, H., Rocker, G.M., Dodek, P.M., Heyland, D.K. for the Canadian Researchers at the End of Life Network (CARENET) (2009). Mind the Gap: Opportunities for Improving End-of-Life Care for Patients with Advanced Heart Failure. The Canadian Journal of Cardiology, 25(11), 635-640.

4. Caldwell(Strachan), P.H., Arthur, H.M., Demers, C. (2007). Preferences of Patients with Heart Failure for Prognosis Communication. Canadian Journal of Cardiology, 23(10), 791-796.

5. Kaasalainen, S., Strachan, P., Brazil, K., Marshall, D., Willison, K, Dolovich, L., Taniguchi, A., Demers, C. (2011). Managing palliative care for patients with advanced heart failure. Canadian Journal of Nursing Research, 43(3), 38-57.

6. Lingard, L., McDougall, A., Schulz, V., Shadd, J., Marshall, D., Strachan, P.H., Tait, G., Arnold, M., Kimel, G. Palliative care on the heart failure care team: An innovative research methodology. In Press. Journal of Pain and Symptom Management.

7. Strachan, P.H., Carroll, S.L., de Laat, S., Schwartz, L., Arthur, H.M. (2011). Patients’ perspectives on end-of-life issues and implantable cardioverter defibrillators. Journal of Palliative Care, 27(1), 6-11.

8. Strachan, P.H., de Laat, S., Carroll, S.L., Schwartz, L., Vaandering, K., Toor, G.K., Arthur, H.M. Readability and content of patient education material related to implantable cardioverter defibrillators. Journal of Cardiovascular Nursing. 2011 Sep 16. DOI: 10.1097/JCN.0b013e31822ad3dd. [E-pub ahead of print].
9. Fitzsimons, D., Strachan, P. H. (2012, June). Overcoming the challenges of conducting research with people who have advanced heart failure and palliative care needs. European Journal of Cardiovascular Nursing, 11(2), 248-254.
 

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