Médicaments
Qu’en est-il de la crise des opioïdes au Canada? Que dois-je savoir pour utiliser les opioïdes en toute sécurité avec des patients en soins palliatifs?

Le contexte de la crise des opioïdes

La crise des surdoses d’opioïdes a trait à la croissance du nombre de décès par surdose d’opioïdes. Cette crise, qui a fait la manchette dans les médias, est ainsi devenue une préoccupation majeure en matière de santé pour les Canadiens. Malheureusement, pour bon nombre de prestataires de soins, de patients et de familles, elle a eu des effets sur les perceptions quant à l’utilité des opioïdes pour la gestion des symptômes chez les patients en soins palliatifs.

Les enjeux de la crise actuelle des opioïdes résultent principalement de l’utilisation de fentanyl ou de carfentanil obtenus illégalement, à des fins non médicales. Le fentanyl est un opioïde synthétique de 50 à 100 fois plus puissant que la morphine. Chimiquement similaire au fentanyl, le carfentanil est 10 000 fois plus puissant que la morphine; en raison de son extrême toxicité, il n’est pas prescrit pour les humains. Ajoutés à des drogues illicites, le fentanyl et le carfentanil sont consommés par des utilisateurs qui croient prendre un autre produit comme l’oxycodone ou l’héroïne. [1] Les vendeurs de drogues se servent de ces produits pour gonfler leur marge de profit, parce qu’ils coûtent moins cher et sont plus faciles à fabriquer.

Les drogues actuellement vendues dans la rue contiennent un mélange de médicaments de puissance inconnue, ce qui occasionne d’importantes surdoses et cause une augmentation du nombre de décès associés aux opioïdes. Cette augmentation a d’abord été observée en Colombie-Britannique et en Alberta, puis la crise s’est répandue à l’échelle du Canada.

En 2016, les pouvoirs publics ont reconnu que la crise des opioïdes est un problème multiforme qui a des effets dévastateurs dans plusieurs collectivités. Santé Canada a reconnu la nécessité d’établir une stratégie nationale, et trois documents ont été élaborés pour amorcer un changement.

1)    Les cinq Mesures de Santé Canada pour lutter contre le mauvais usage des opioïdes sont :

  • Mieux informer les Canadiens sur les risques liés aux opioïdes.
  • Soutenir l’amélioration des pratiques d’ordonnance.
  • Réduire la facilité d’accès aux opioïdes inutiles.
  • Soutenir l’amélioration des traitements proposés aux patients.
  • Améliorer l’ensemble des données probantes. [2]

2)    La Déclaration conjointe sur les mesures visant à remédier à la crise des opioïdes représente l’engagement des ministres de la Santé et d’autres organismes en vue de réagir à cet enjeu sanitaire et social complexe. [3]

3)    Le document intitulé Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances : une approche globale, collaborative, humaniste et fondée sur des données probantes pour la politique en matière de drogues s’articule sur les volets suivants :

  • Prévention : Prévenir la consommation problématique des drogues et autres substances.
  • Traitement : Soutenir les approches novatrices concernant le traitement et la réhabilitation.
  • Réduction des méfaits : Soutenir les mesures qui réduisent les conséquences négatives liées à l’utilisation des drogues et autres substances.
  • Application de la loi : Aborder la production, l’approvisionnement et la distribution de drogues illicites.
  • Les stratégies ci-dessus doivent s’appuyer sur un ensemble solide de données probantes. [4]

Répondre aux préoccupations des patients et de leur famille

Compte tenu de l’information qui circule dans les médias, les patients et leur famille risquent d’avoir des inquiétudes au sujet de l’utilisation du fentanyl pour gérer les symptômes en fin de vie. Il faut noter que l’utilisation adéquate du fentanyl pour des patients en soins palliatifs ne contribue aucunement à la crise des surdoses de fentanyl. La surdose ou la mort sont extrêmement rares quand les opioïdes :

  • sont prescrits adéquatement;
  • sont utilisés licitement pour le contrôle de la douleur ou de la dyspnée;
  • font l’objet d’une surveillance étroite de leur efficacité.

Il est essentiel que les patients et leur famille comprennent ceci, de même que la différence entre la tolérance, l’accoutumance et la dépendance aux opioïdes.

La tolérance – La dépendance aux opioïdes survient rarement quand ceux-ci sont prescrits et utilisés adéquatement pour contrôler la douleur. L’organisme développe une tolérance aux opioïdes quand il s’habitue au médicament. Dans ce cas, il faut parfois augmenter la dose.

L’accoutumance physique – Ce phénomène est associé à la possibilité que des symptômes de sevrage se manifestent si l’administration d’opioïdes cesse brusquement. En raison de cette susceptibilité au sevrage physique, on réduit progressivement les doses d’opioïdes quand la médication n’est plus nécessaire. Les patients continueront d’avoir besoin de médicaments opioïdes pour gérer leur douleur ou leur dyspnée, à moins que la cause sous-jacente du symptôme disparaisse. 

La dépendance – Ce phénomène se caractérise par une préoccupation incontrôlable pour l’obtention d’un surcroît de médicaments, en l’absence de tout besoin médical.

Selon le Centre de toxicomanie et de santé mentale, on peut « décrire la toxicomanie et la dépendance comme suit :

  • état de besoin intense;
  • perte de contrôle à l’égard de la consommation ou de sa fréquence;
  • compulsion;
  • consommation malgré les conséquences ».

Il est très rare qu’une personne acquière une dépendance quand elle consomme des opioïdes dans le cadre de soins palliatifs, selon l’ordonnance faite par son médecin pour gérer les symptômes.

Voir aussi [en anglais] : Pain medication myths: Addiction and hastened death


Pour une utilisation sécuritaire des opioïdes

Normes et directives

Des normes et directives ont été élaborées pour éviter les problèmes en lien avec les opioïdes dans le domaine de la santé. Ces documents ont généralement pour but de donner des conseils sur la gestion des problèmes de douleur chronique, de dépendance ou de détournement; ils ne s’appliquent pas tels quels au traitement de la douleur en soins palliatifs. Toutefois, tous les prestataires de soins se doivent de connaître et respecter les recommandations de sécurité pour l’ordonnance, la manipulation et l’élimination de ces médicaments.

Voici les principales recommandations pour une utilisation sécuritaire des opioïdes en soins palliatifs :

  • Évaluez soigneusement et fréquemment la douleur et les autres symptômes.
  • Établissez un diagnostic clinique et des faits objectifs lors de l’ordonnance et de la réévaluation des médicaments avec un patient.
  • Lorsque vous amorcez un traitement aux opioïdes, envisagez d’utiliser un outil d’évaluation des risques.
  • Lorsque vous prescrivez un opioïde, évaluez avec soin les troubles médicaux concurrents.
  • Révisez régulièrement les ordonnances du patient et sa consommation de médicaments à l’aide de la base de données sur les produits pharmaceutiques de votre province ou territoire.
  • Faites prescrire tous les analgésiques d’un patient par le même médecin.
  • Confiez l’exécution de toutes les ordonnances à la même pharmacie.
  • Quand un patient reçoit son congé de l’unité de soins actifs, ne prescrivez que la quantité d’opioïdes nécessaire jusqu’à la reprise du suivi en soins communautaires.
  • Pour une ordonnance d’opioïdes à long terme, ne dépassez pas une provision de trois mois et donnez des consignes particulières sur le renouvellement au cours de cette période.
  • Pour les patients traités aux opioïdes, envisagez de procéder au hasard au décompte des comprimés ou au dépistage de drogues dans l’urine.
  • Lorsque l’évaluation ou la réévaluation d’un patient révèle un diagnostic de toxicomanie, demandez conseil à des spécialistes en médecine de la dépendance.
  • Lorsque l’évaluation ou la réévaluation d’un patient révèle des antécédents de diagnostic de troubles mentaux, faites appel à un psychiatre ou à d’autres services de santé mentale.
  • Si la gestion de la douleur est complexe ou si vous avez besoin de suggestions à ce sujet, consultez un spécialiste ou une équipe en soins palliatifs.
  • Éduquez les patients et leur famille à l’entreposage sécuritaire des médicaments. Informez-les de la nécessité de ranger les médicaments d’ordonnance (en particulier les opioïdes) en lieu sûr, de préférence sous clé. Ils réduiront ainsi le risque de prise délibérée ou accidentelle de ces médicaments par d’autres membres du ménage, en particulier les enfants.
  • Veillez à retourner les médicaments inutilisés à la pharmacie, notamment lorsque le patient reçoit l’ordonnance d’un nouveau médicament ou d’un dosage différent, ainsi qu’au décès du patient.


En conclusion

Les prestataires de soins peuvent atténuer les problèmes potentiels pour la sécurité des patients, tels le détournement, le mésusage et l’abus, en assurant la mise en œuvre vigilante et sécuritaire des ordonnances, de l’amorce du traitement, du dosage et du suivi. À titre de prestataires de soins palliatifs, nous devons éduquer les patients et leur famille aux méthodes sécuritaires d’utilisation, de manipulation et d’entreposage des opioïdes, y compris la mise en place d’un plan d’élimination sécuritaire des opioïdes restants au domicile du patient après son décès.

Références

1. Association canadienne de santé publique (ACSP), Le fentanyl, un chemin de mort et de destruction, 1er juin 2017.

2. Santé Canada, Mesures de Santé Canada pour lutter contre le mauvais usage des opioïdes, 2016.

3. Santé Canada, Déclaration conjointe sur les mesures visant à remédier à la crise des opioïdes, 2016.

4. Santé Canada, Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances : une approche globale, collaborative, humaniste et fondée sur des données probantes pour la politique en matière de drogues, 2016.


Autres sources

College of Physicians and Surgeons of British Columbia, Professional Standards and Guidelines: Safe Prescribing of Drugs with Potential for Misuse/Diversion, version révisée le 28 octobre 2016.

Fraser Health Hospice Palliative Care Program, Symptom Guidelines: Opioid Management, 2016.  

Harlos, M., Palliative Care Incident Pain and Incident Dyspnea Protocol, 2001.

National Pain Center, The 2017 Canadian Guideline for Opioids for Chronic Non-Cancer Pain, 2017.

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